Le temps des seigneurs

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Dan Bigras
Québec Amérique
2017
401 pages

«Je cours, paniqué. J’ai encore été piégé par ma mère. À moins d’un miracle, mon père va me tuer à soir. Le même style d’arnaque que d’habitude. J’ai beau courir, l’horizon s’éloigne et l’enfer approche à grandes claques, avec un verre de vin dans une main.

Ma mère est en colère tout le temps. Contre le mauvais temps, contre les hommes en général, quoique « les hommes en général » ont l’air de ressembler beaucoup à son papa à elle et au mien… Elle est en colère contre beaucoup de choses, mais surtout contre moi.

Je n’ai jamais vraiment su pourquoi. C’est évidemment de ma faute, ça se peut pas autrement. Je suis très mauvais à l’école. Comme le trouble de déficit de l’attention (TDA) n’existe pas encore, ma mère croit que j’essaie de la rendre folle et honnêtement, quelquefois, c’est ce que je croirais à sa place.

Avec Le Temps des seigneurs, Dan Bigras offre le récit cru, touchant et passionnant de ces vues sur le monde qui ont fait de lui le porte-parole des oubliés, des brisés. Façonné dans la violence et la douleur, mais aussi dans l’amour, c’est avec tendresse qu’il retrace le fil de son long chemin vers la réconciliation» dos de couverture

4 cafés

Lire l’autobiographie de Dan Bigras en plein mois de décembre, c’était peut-être pas la meilleure idée. Out l’esprit de Noël. Ça n’a d’ailleurs pas dû beaucoup aider mon humeur qui était en berne depuis un certain temps. Mais il est hors de question pour moi de m’interdire de lire un livre parce qu’il manque de soleil dehors tsé. Moi je lis ce que je veux lire. Pis Dan, il écrit ce qu’il veut écrire. Il en a long à raconter, car il a beaucoup vécu.

« C’est fou le nombre de gens, dans notre famille, qui sont morts en silence.» p.394.

Pour ceux qui ne connaissent pas Dan Bigras, il ne s’agit pas d’un deux de pique qui a décidé de se gosser une autobiographique avec deux-trois p’tits événements intéressants (il faut que je le mentionne, car je n’aime pas beaucoup ce genre, alors lorsque j’en lis, il faut que la personne soit marquante, importante pour moi). Dan Bigras est un grand auteur-compositeur-interprète québécois. Dans les années 90, il était à mes yeux un sex-symbol, j’adorais sa toune Les trois petits cochons (entre autres). C’est plutôt drôle à dire, car à cette époque, si je me fis à cette autobiographie, il était au pire dans sa consommation de drogues et d’alcool, son teint jaunissait à vue d’oeil. Mais bon, la petite groupie que j’étais ni voyait que dalle et continuait à s’égosiller en même temps que sa délicieuse voix rauque.

Dans cette autobiographie, Dan nous renvoie son talent d’écriture en pleine face. Sa poésie des rues est surprenante. Il nous fait rigoler même dans les moments les plus sombres. Ouais, il nous fait rigoler noir parfois. Ces mots nous racontent sobrement son enfance difficile, sa solitude, ses maltraitances: son père qui le bat et sa mère qui en est complice. Tout deux de grands psychanalystes. Pour Dan, ça va de soi que lesphoto_nom108 psychanalystes sont fuckés, qu’ils combattent leurs propres démons en faisant cette carrière, mais pour moi… j’en suis encore estomaquée. C’est en quittant cette famille dysfonctionnelle que Dan se retrouve dans la rue. Un terrible moment, mais qui le mènera à faire de la musique et de fil en aiguille, il rencontrera des grands de la musique et apprendra d’eux. À son insu, il est devenu, lui aussi, un de ces grands de la musique québécoise.

Dan Bigras nous partage sa philosophie de vie, sa résilience et cela même s’il se défend de nous donner les clés de notre propre guérison. Il a appris à voir le mauvais et le bon côté de chaque personne, ainsi qu’à leur pardonner. Il a appris à canaliser sa rage et à la contrôler. Connaissance qu’il a partagée à de nombreux enfants et amis souffrant, tout comme lui, d’une enfance bousillée. Même s’il est humble dans sa démarche d’écriture, on ne peut que s’émerveiller devant tous ses accomplissements et devant sa force de caractère, même s’il dit lui-même: qu’il a besoin de toucher le fond afin de pouvoir remonter.

«C’est quand même pas pire, on s’est pas trop ratés… et on s’a.» p.396

Habituellement, je n’aime pas les biographies ou tout dérivé de ce genre, mais Dan Bigras a une écriture qui plaira à tous, ainsi qu’un parcours de vie qui mérite d’être raconté. C’est donc avec beaucoup de plaisir que j’ai lu Le temps des seigneurs même si parfois ses histoires me donnaient l’impression qu’il avait vécu dix vies, plutôt qu’une seule et même si parfois la quantité d’anecdotes sur le destin tragique de certaines personnes me tournaient la tête. On ne peut pas s’empêcher d’être affecté par cette lecture, autrement nous ne serions pas humains. Dan parle pour tous les oubliés et les déshérités de la société, c’est un peu normal que parfois, on se fasse bousculer par ses propos.

   Merci Dan pour ce livre qui remet les priorités à bonne place ! …. Mais je dois avouer que je suis bien heureuse de plus voir ta grosse face qui me zieute depuis la page couverture, j’avais l’impression que tu lisais dans mon âme… 

Extraits:
– « On a tous des choses enfouies. Quelquefois belles, mais souvent dures, souvent honteuses. On n’en parle pas, on ne les verbalise pas, mais elles sont là. L’écriture évite souvent l’empoisonnement intérieur par le silence. » p.256

 

 

Source de l’image:
-http://www.qim.com/artistes/biographie.asp?artistid=108

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